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Retour sur le succès du livre ‘’Indignez-vous’’ de Stéphane Hessel, par Bernard Léon

Le petit livre ‘’Indignez-vous !’’ de Stéphane Hessel est un grand succès de librairie. Il fait pourtant l’objet d’attaques. A la suite d’un article critique paru dans Le Monde signé Pierre-Antoine Delhommais, Bernard Léon, militant Modem à Vanves, a tenu à apporter sa réponse… indignée :

« Analyse des analysants. Delhommais, Assouline, Marcelle et quelques autres »

Apres être tombé sur Assouline dans Le Monde, puis sur Marcelle dans Libération, Chloé Leprince sur Rue89, Boris Cyrulnik, Luc Ferry, et ceux qui ont du m’échapper, voilà que je tombe sur Pierre‐André Delhommais, dans le Monde, qui vient, à son tour, y jeter son opprobre sur Stéphane Hessel et son petit texte ‘’Indignez-vous !’’.

Me voilà pris d’un doute. Ce texte que j’ai lu il y a à peine 15 ou 20 jours, l’aurai je lu trop vite, n’aurai je pas eu l’intelligence d’y décrypter quelque chose qui n’a pas échappé à ces sommités de la presse, que j’ai souvent plaisir à lire ?


Alors, j’ai relu ce texte. Attentivement. Et, tout étonné, je me retrouve bien au rang de ces français qui ont le champagne triste. A qui « le saumon fumé donne des idées noires », comme dit Delhommais dans sa chronique du Monde daté du 9 janvier, page 17.

Du temps où les journalistes écrivaient encore à l’encre, P.A. Delhommais aurait écrit, je présume, à l’encre bleue, afin de n’être pas assimilé à ces français qui vous mettent la honte au front. Lorsqu’on a la chance de pouvoir faire la leçon aux autres, on ne trempe pas sa plume dans l’encre noire de leurs pensées.

Car, sous couvert de faire la leçon à ses français, qui consomment des huitres et du saumon comme ils consomment de ‘’l’Indignez-vous !’’, qui consomment « pour ne plus penser à cet Etat‐providence qui les abandonne, à ces acquis sociaux qui se dérobent, à cette retraite qui s’éloigne et à ces hausses d’impôts qui se rapprochent », la fin du billet nous délivre sa finalité première.

Il s’agissait de rejoindre le peloton de ceux qui ont sorti, au détour de l’année, le couteau qu’ils avaient trouvé dans leurs chaussures, sous l’arbre de noël, pour le planter dans le dos d’un vieillard de 93 ans, tout étonné de voir un petit texte qu’il avait sorti, par une nécessité toute personnelle, se vendre à plus de 500 000 exemplaires.

Et même, horreur ! Eric Le boucher, le si bien nommé, prédécesseur au Monde de Delhommais, avait lui aussi rédigé une chronique assassine sur Slate !

Comment ne pas suivre ? Et Delhommais de renchérir dans la petite phrase bête et méchante ! De dauber sur : « le succès extraordinaire rencontré par le petit livre de Stéphane Hessel. Petit livre qui, avec le hamster électronique Zhu Zhu Pets, a figuré parmi les cadeaux de Noël les plus offerts. L’indignation est mise à toutes les sauces, aux airelles, de préférence, pour accompagner le gigot de chevreuil. »

Il faut dire que la barre était haute. Pierre Marcelle n’avait il pas écrit que les gens qu’il avait vu offrir ‘’Indignez-vous’’ le distribuaient « ainsi qu’un témoin de Jéhovah » ? N’avait il pas traité Hessel de « Tirésias des plateaux », puisque les radios et les télés s’étaient saisies de Hessel pour « le figer dans son statut de père noël ». Et enfin n’avait il pas conclu que « Au terme de ce passage obligé, il faisait hélas moins songer à un chêne qu’à un sapin qu’on abat et bientôt abandonne, avec boules et guirlandes sur un bout de trottoir ». Comment faire mieux dans la langue de fiel ?

Vous avez apprécié j’espère le « hamster électronique Zhu Zhu Pets ». Il fallait la trouver celle là ! L’honneur était sauf. Et comme il s’agissait d’être meilleur, lorsque Marcelle avoue avoir lu l’ouvrage en 15 minutes, Delhommais avoue « neuf minutes et cinquante secondes ». On se croyait dans une chronique réputée du Monde. On était aux olympiades.

Mais il faut bien revenir à sa spécialité supposée, l’économie. Alors très vite on décrit les pages de Stéphane Hessel comme: « Un livre qui, au moins dans sa partie économique, nous a paru d’une infinie faiblesse ».

Hessel se contente de rappeler dans son petit livre quelques principes du programme de la résistance, bien oubliés depuis les années 80, le début d’un temps où la finance et les entreprises transnationales ont mis en place leur programme, comme on dit aujourd’hui, de détricotage. Un objectif avoué publiquement par Denis Kessler, ancien n°2 du MEDEF, (au coté d’Ernest Antoine Seillères) écrivant en 2007 « Le modèle social français est le pur produit du Conseil National de la Résistance… il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du CNR ! ».

On choisit son camp. Ce n’était pas le camp d’Hubert Beuve‐Mery. Engagé dans la résistance et créateur du Monde. Ce n’est pas le camp de Stéphane Hessel. Mais celui de Delhommais en apparence.

Et comme quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage, quand on veut tuer un vieux, on dit « qu’il ne nous parle pas du monde tel qu’il est, mais du monde tel qu’il a été ». Et ceci au prétexte que Hessel n’a pas écrit le mot Chine dans son opuscule. C’est risible. Comme ont été risibles les écrits de ceux qui, comme Delhommais, ont trainé dans la boue Hessel. Et pourquoi donc ? Pour certains, (tous, je ne sais), Hessel ose dire certaines choses, très librement, qu’on voudrait qu’elles ne soient pas dites. Sur Israël par exemple. Et donc il dérange.

Il dérange parce qu’il convainc. Ses contempteurs, s’ils n’étaient aveuglés par ce qu’ils ne supportent pas chez Hessel, le fait qu’il soit une conscience qui a fait ses preuves, et dont la critique des méfaits d’Israël, dés lors, ne peut être ignorée comme une pensée vaine, aurait compris le succès de cette brochure qui « n’occupe que 13 pages », et dont la pensée, bien qu’Assouline, Marcelle, Le Boucher, la traitent de peu, n’a pas été jugée vaine par plus de 500 000 français qui ont lu le livre.

Car si, en effet, 13 pages suffisent à emporter l’adhésion de 500 000 français, c’est bien parce qu’ils jugent que notre époque mérite des indignations proclamées haut, des indignations qui levaient comme une pâte depuis 10, 20, 30 ans au moins, et qui désormais vont éclater, comme on peut le voir, dans l’indignation de la jeunesse, en Tunisie, au Portugal, en Angleterre, en Italie, en Algérie. Demain en France ?

Tous ces chroniqueurs font semblant de lire Hessel de façon biaisée, pour nous faire croire qu’on l’a mal lu. Mais non. Hessel a parlé droit. De certaines choses. Pas de toutes. Mais de celles dont on sait que ce sont celles qui clochent aujourd’hui chez nous. L’abandon de notre jeunesse au bord du
travail, le démantèlement de l’hôpital, l’affaiblissement de l’enseignement, le soumission de l’Etat à la finance et aux banques, la complicité avec les rapaces des transnationales qui s’organisent pour ne pas participer au bien public, pour échapper à la construction de l’intérêt général. Toutes choses que les hommes issus de la résistance ont voulu contenir.

Et comme le dit Hessel : « Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte. » C’est ce qui dérange dans la parole de Stéphane Hessel. Un ton de jeunesse dans la bouche d’un homme de 93 ans. Et voilà que cette parole est entendue ! Et c’est tant mieux messieurs de la chronique !

Bernard Léon

 

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1 Commentaire

L’indignation ne fait pas un programme politique.
La démarche d’Hessel ne mérite pas d’être critiquée en soi. Pour autant, elle ne se suffit pas à elle-même tant les inégalités sont fortes dans notre pays, et le modèle du CNR ne parvient pas à les enrayer.

Par Fabrice Borel-Mathurin, le 9 janvier, 2011